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An2000
An2001
Photo
~ Les orgues de la région d'Ensisheim ~

Oberhergheim, St Léger
Claude-Ignace CALLINET, 1853

Partie instrumentale classée Monument Historique le 19/10/1976
Buffet classé Monument Historique le 19/10/1976
Dernier Callinet avec un Positif de dos.


Avant... CALLINET Après...

Composition, 2005
Positif de dos
54 notes
Grand-orgue
54 notes
Récit
54 notes
Pédale
24 notes
Montre 8' Montre 16' Bourdon 8' Flûte 16'
Bourdon 8' Bourdon 16' Flûte 8' Flûte 8'
Salicional 8' Montre 8' Jeu céleste 8' Violoncelle 8'
Prestant 4' Bourdon 8' Flûte 4' Flûte 4'
Flûte 4' Flûte 4'8' (1) Cornet 3 rgs Ophicléide 16'
Doublette 2' Gambe 8' Voix humaine 8' Trombone 8'
Trompette 8' Salicional 8' Basson/Hautbois 8' Clairon 4'
Basson/Chalumeau 8' Prestant 4' Tremblant  
  Flûte 4'    
  Nasard 2'2/3    
  Doublette 2'    
  Cornet 5 rgs    
  Fourniture 5 rgs    
  Bombarde 16'    
  Trompette 8'    
  Clairon 4'    
  I/II    

     C'est un instrument absolument exceptionnel que l'on trouve à Oberhergheim. Construit par Claude-Ignace CALLINET en 1853 ce trois-claviers sur 16 pieds ouvert est parvenu jusqu'à nous presque intact. Et c'est heureux, car il a une importance historique (et artistique) fondamentale.


Oberhergheim, le 06/10/2005, le Buffet de Claude-Ignace Callinet.

     L'orgue d'Oberhergheim a été la "pomme de discorde" entre les deux frères Callinet : Joseph (l'aîné), d'une honnêteté absolue, fidèle à ses traditions comme à sa parole, "carré" sur tous les plans, et Claude-Ignace (le cadet), son ancien associé, plus imaginatif, plus sensible aux évolutions esthétiques, et qui voulait enfin se libérer du joug de son frère.

En 1847, l'église d'Oberhergheim était achevée, et on voulut bien sûr acheter un orgue. Les deux frères Callinet s'étaient séparés. Joseph avait pour lui sa réputation et son ancienneté dans le métier. Sa fidélité aux techniques éprouvées, aussi, ainsi que l'incroyable fiabilité de ses instruments. Joseph loua un orgue à la paroisse : il était presque sûr d'avoir le marché.

Mais en Mars 1851, Claude-Ignace, plus attiré par la nouveauté, probablement plus "introduit" dans la vie sociale aussi (il a été Conseiller Municipal de Rouffach) décida de s'imposer. Il fit visiblement accord verbal avec le maire, avec un devis de 16275 Frs, ramené à 16000.

Joseph, qui se sentit floué dans l'histoire, fit une proposition 3000 Frs moins chère, et renonça au loyer de l'orgue provisoire. Claude-Ignace aligna ses prix. L'affaire traîna. On imagine l'ambiance entre les frères qui, pourtant devaient partager les ateliers de Rouffach.

Un an plus tard, Oberhergheim fit affaire avec Claude-Ignace pour un instrument promis "surpassant immensément" l'orgue de Ste Croix-en-Plaine (village distant de 5 km, et qu'il fallait bien sûr "concurrencer" !)

     Pour ce Buffet, Claude-Ignace adopta un dessin qui lui servira beaucoup de modèle par la suite. L'idée est d'élargir la Plate-face centrale, qui porte les 7 plus gros tuyaux de Montre. Cette grande Tourelle masque le Récit.
Le Positif reste classique, et remarquablement proportionné et décoré. C'est probablement le dernier Positif de dos de Callinet qu'il nous reste.
C'est par ce dessin que Claude-Ignace voulait certainement se démarquer de Ste Croix-en-Plaine.
Dans la querelle, Joseph avait proposé de faire le même...

Après son échec à Oberhergheim, Joseph tomba malade et s'arrêta peu à peu de travailler. Attendant des autres autant que de lui-même, il s'était à coup-sûr senti trahi au point qu'il ne s'en remit pas.

Cet orgue exceptionnel restera le chef d'oeuvre de Claude-Ignace Callinet : la "lignée d'Oberhergheim" comprendra les orgues d'Artzenheim (1853, aujourd'hui disparu), Réguisheim (1854), Bollwiller (1857), Vieux-Ferrette (1861), Ruelisheim (1867) et Widensolen (1872), son dernier orgue.

     Après Oberhergheim, Claude-Ignace abandonna définitivement le Positif de dos, et construisit pas mal de Consoles indépendantes, au détriment de la Mécanique. Il lorgna de plus en plus sur le style "romantique", en multipliant les Flûtes et les Gambes, en oubliant Nasards, Doublettes et même les Cornets. Ce style ne lui allait pas vraiment, et plus tard, Martin RINCKENBACH allait réussir bien mieux que lui dans ce domaine et prit sa place sur le plan économique. Claude-Ignace fit d'ailleurs une sorte de "retour en arrière" significatif, à Réguisheim et à Widensolen.

     L'exceptionnel orgue d'Oberhergheim est resté pratiquement authentique : il y eut une réparation à la Soufflerie en 1874. En 1917, les tuyaux de façade (les tuyaux en façade des Montres 16' et 8' du Grand Orgue et de la Montre 8' du Positif) ont été réquisitionnés par les autorités allemandes (un Callinet n'avait à l'époque pratiquement aucune valeur "culturelle", comme on disait).

En 1928, Georges SCHWENKEDEL intervint pour remplacer la façade, et recula le Grand buffet de 70 cm de façon à laisser plus de place entre celui-ci et le Positif. Schwenkedel, qui savait reconnaître un chef-d'oeuvre, avait en effet heureusement refusé d'intégrer le Positif à l'instrument (comme cela se passait régulièrement à cette époque). Mais cela ne fut évidemment pas bon pour la mécanique du Positif.

En 1954 et 1958, il n'y eut que des réparations mineures.

Enfin, en 1993, Gaston KERN, pour la Manufacture d'Orgues Alsacienne restaura l'instrument en posant une façade neuve. Le grand Buffet a été remis à sa place.
Les claviers (blancs ! : ce sont sûrement les premiers des Callinet) sont d'origine.

L'inauguration a eu lieu le 10/10/1993, avec par René KIENTZI et Hubert HELLER.

     Enfin, en 2005, c'est Jean-Christian GUERRIER qui fut chargé d'un Relevage et de l'entretien. En effet, la mécanique du Grand-orgue avait quelque peu vieilli et souffrait de grippages au niveau de l'Abrégé. Le phénomène a été corrigé (de façon réversible) par action sur les axes des rouleaux. Depuis cette intervention, la mécanique a retrouvé toute sa souplesse et sa précision.

Mécanique : Suspendue. Sommiers à Gravures, le tout d'origine.
Le Sommier de Pédale a 24 notes, mais le pédalier 25.

     Cet instrument exceptionnel, débordant de possibilités et d'un intérêt historique immense mériterait d'être mieux connu. Les Anches sont remarquables et les Fonds de toute beauté, en particulier les Principaux "sur le vent".
Il faudrait peut-être encore, pour en faire un instrument quasi-parfait, mettre la Montre au niveau d'harmonisation de son incroyable Prestant, et... rendre sa trompette à l'ange de couronnement.

     En remerciant Mr Jean-Christian GUERRIER pour la visite qui permit d'obtenir ces photographies (ainsi que des dizaines d'autres...) voici une petite "visite guidée" des entrailles de cette magnifique machine :

Jeux

     C'est avant tout un instrument extrêmement attachant en raison de l'ambiance du lieu.
Il est, de plus, plein de possibilités. Le plan des Tirants nécessite un peu d'adaptation. Sur la photo, les Tirants du Récit sont à gauche, et ont les pommeaux plus foncés. Au milieu et à droite, des Tirants du Grand-orgue.

Angelot

Une des têtes d'ange dont Claude-Ignace aimait tant décorer ses instruments.

Ange du couronnement

L'ange du couronnement a malheureusement perdu sa trompette (c'est pour ça qu'on ne l'entend pas).

Tuyauterie GO

Une vue de la tuyauterie du Grand-orgue.
Au premier plan, le Clairon, puis la Trompette, puis la Fourniture à 5 rangs.
Plus au fond, on distingue les dessus bouchés du Broudon, et les tuyaux étroits de la Gambe.

Tuyauterie Ped

Une vue de la tuyauterie de la Pédale.
Au premier plan, la Flûte 4', dont les Dessus sont en métal. On voit aussi, en dessous, un Tampon de Laye de Pédale, avec la corde qui sert à le tirer et les éclisses en fer forgé qui le maintiennent en place, et que l'on peut faire pivoter pour le dégager.

Tuyauterie Pos

Une vue de la tuyauterie du Positif.
De gauche à droite (de la façade vers la Console) : la Montre, le Prestant et des tuyaux bouchés, le Bourdon (tuyaux bouchés métalliques), le Salicional, la Flûte 4', la Doublette, la Trompette, puis le Basson/Chaumeau.

Tuyauterie Rec

Une vue de la tuyauterie du Récit.
Le Clavier est logé en hauteur, dans une boîte trapézoïdale "en chapelle".
L'expression est réduite : c'est soit "ouvert", soit "fermé". L'endroit est exigu, et l'accord des grands tuyaux ne doit pas être aisé !

Positif

     La qualité de la facture est remarquable. Voici un détail de la tuyauterie du (grand) Positif de dos (le Chalumeau est au premier plan). Dans tout l'instrument, on trouve des preuve évidentes d'une conception extrêmement réfléchie et murie (par exemple, l'astucieux passage des sabres de commande des Registres du Récit).
La Tirasse par Tirant et Laye supplémentaire est peu courante (on l'a toutefois vue chez Silbermann). Le Tirant ne commande pas une rangée de balanciers, mais bel et bien la Soupape d'une Laye spécifique. Il y a donc un Abrégé rien que pour la Tirasse, qui est en quelque sorte une double-commande pour les basses du Grand-orgue.
L'architecture générale de l'instrument est étudiée pour permette une bonne répartition des masses, et assurer ainsi sa longévité.

Positif

     Voici la Laye ouverte. Nous sommes situés en face de l'orgue, juste en dessous du niveau de la façade. C'est le coeur de l'instrument : la Laye du Grand-orgue. Le Tampon ayant été déposé, on voit les Soupapes, leurs ressorts, les "S" servant à les relier aux Pilotes de commande, et les Boursettes assurant l'étanchéité. Les Soupapes sont collées à l'autre extrémité. Juste en haut des Soupapes se trouvent les Gravures, alimentant tous les tuyaux d'une note donnée. Ici, une touche du Grand-orgue est enfoncée, et les deux Soupapes (c'est courant dans les Basses, et permet de libérer le vent avec plus de vigueur dans les gros tuyaux gourmands) sont descendues, donc ouvertes.

Tuyaux sortis

     A droite, un tuyau (à Bouche) de la Flûte 4' de Pédale. Les traitements métallurgiques sont d'un très haut niveau, et permettent de parvenir à une grande stabilité dans le temps et une excellente tenue d'accord.
A Gauche, l'Anche d'un des tuyaux de l'Ophicléide de Pédale. La Rigole est paussée ; on peut voir la languette, et la Rasette qui détermine sa longueur de battement, donc la hauteur du son. Le choix de la languette, son épaisseur, sa cambrure, sont affaires d'harmonisation. C'est l'une des parties les plus sensibles et fragiles de l'instrument, qui recèle une grande partie du talent de son concepteur et des personnes à qui on a confié l'entretien.

Signature 1853

     Voici une signature, de 1853, tracée à la plume et à l'envers (i.e. tête en bas ; Leonardo n'a pour une fois rien à voir là-dedans...) sur la planche bordant le côté droit de l'estrade de la Console. Il y a eu une hésitation : "183..." puis le "3" a été changé en "5" d'un coup de plume. On croit aussi lire un "1837", dont le 7 aurait pu être effacé. La planche provenait-elle d'un autre instrument ?
Il y a d'autres signatures dans l'orgue, en particulier celle de Roethinger, en 1917, lorsqu'il dut descendre la façade (l'inscription est située sur le flanc intérieur d'une porte de la clôture, du côté droit, et se traduit par : "E.A. Roethinger, maître facteur d'orgues à Schiltigheim a retiré le 24 avril 1917 les tuyaux d'orgue spécifiés"). La signature est accompagnée d'une de ses jolies petites étiquettes :

Etiquette Roethinger

(1) C'est-à-dire avec une "reprise" comme les Mixtures : 4' dans la basse (où c'est un Bourdon), puis chute d'une octave, ce qui fait que le jeu se retrouve en 8' dans les aigus (où c'est une Flûte ouverte de taille étroite, en étain).
C'est en quelque sorte la "signature" des Callinet. On retrouve cette Flûte traverse dans la plupart des orgues de Frères Callinet, qui l'ont probablement héritée de RIEPP à travers leur père François (qui l'a placée trois fois à Auxonne dès 1788). Cette Flûte traverse est conçue comme un dessus de Principal solo, complété par la basse d'un jeu doux (Bourdon à Oltingue ou à Mollau, Salicional à Turckheim en 1840).

Webographie :

Sources :
  • Remerciements à Jean-Christian GUERRIER.
  • Caecilia 1994-1
  • P. MEYER-SIAT "Les Callinet, facteurs d'orgues à Rouffach, et leur oeuvre en Alsace" ISTRA, 1965
Activités culturelles :
    L'association pour la promotion de l'orgue Callinet d'Oberhergheim (APOCO) a été crée en 2006. Sous la responsabilité de Cyril PALLAUD, elle s'est fixée pour but de promouvoir, d'entretenir et de faire connaître ce Callinet authentique. Des visites sont organisées tous les mois. Un festival d'orgue projette les concerts marquants suivants :
  • 29/10/2006 à 18h00 : concert inaugural suite à la restauration de 2006, par Gaétan JARRY et Cyril PALLAUD.
  • 10/2007 : les Fiori Musicali de Frescobaldi, par Andrea MACINANTI, professeur au conservatoire de Bologne.
  • 10/2008 (à définir) : récital d'Eric LEBRUN, professeur au CNR de St-Maur.
  • Un disque a été enregistré sur cet orgue d'exception, par Marie FAUCQUEUR et Cyril PALLAUD, dans la série "Orgues historiques d'Alsace", avec une réalisation sonore et un montage musical de Robert BAUM. Il a été produit, et il est distribué par les disques PAMINA, Editions Sonores S.P.M, 67152 Erstein Cedex, 03 88 98 38 38. (cf lien ci-dessus)

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Dernière mise à jour : 29/06/2008 19:45:02

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