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Oberhergheim, St Léger
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L'orgue d'Oberhergheim a été la "pomme de discorde" entre les deux frères Callinet : Joseph (l'aîné), d'une honnêteté absolue, fidèle à ses traditions comme à sa parole, "carré" sur tous les plans, et Claude-Ignace (le cadet), son ancien associé, plus imaginatif, plus sensible aux évolutions esthétiques, et qui voulait enfin se libérer du joug de son frère. En 1847, l'église d'Oberhergheim était achevée, et on voulut bien sûr acheter un orgue. Les deux frères Callinet s'étaient séparés. Joseph avait pour lui sa réputation et son ancienneté dans le métier. Sa fidélité aux techniques éprouvées, aussi, ainsi que l'incroyable fiabilité de ses instruments. Joseph loua un orgue à la paroisse : il était presque sûr d'avoir le marché. Mais en Mars 1851, Claude-Ignace, plus attiré par la nouveauté, probablement plus "introduit" dans la vie sociale aussi (il a été Conseiller Municipal de Rouffach) décida de s'imposer. Il fit visiblement accord verbal avec le maire, avec un devis de 16275 Frs, ramené à 16000. Joseph, qui se sentit floué dans l'histoire, fit une proposition 3000 Frs moins chère, et renonça au loyer de l'orgue provisoire. Claude-Ignace aligna ses prix. L'affaire traîna. On imagine l'ambiance entre les frères qui, pourtant devaient partager les ateliers de Rouffach. Un an plus tard, Oberhergheim fit affaire avec Claude-Ignace pour un instrument promis "surpassant immensément" l'orgue de Ste Croix-en-Plaine (village distant de 5 km, et qu'il fallait bien sûr "concurrencer" !) ![]() Pour ce Buffet, Claude-Ignace adopta un dessin qui lui servira beaucoup de modèle par la suite.
L'idée est d'élargir la Plate-face centrale, qui porte les 7 plus gros tuyaux de Montre.
Cette grande Tourelle masque le Récit.
Après son échec à Oberhergheim, Joseph tomba malade et s'arrêta peu à peu de travailler. Attendant des autres autant que de lui-même, il s'était à coup-sûr senti trahi au point qu'il ne s'en remit pas. Cet orgue exceptionnel restera le chef d'oeuvre de Claude-Ignace Callinet : la "lignée d'Oberhergheim" comprendra les orgues d'Artzenheim (1853, aujourd'hui disparu), Réguisheim (1854), Bollwiller (1857), Vieux-Ferrette (1861), Ruelisheim (1867) et Widensolen (1872), son dernier orgue. ![]() Après Oberhergheim, Claude-Ignace abandonna définitivement le Positif de dos, et construisit pas mal de Consoles indépendantes, au détriment de la Mécanique. Il lorgna de plus en plus sur le style "romantique", en multipliant les Flûtes et les Gambes, en oubliant Nasards, Doublettes et même les Cornets. Ce style ne lui allait pas vraiment, et plus tard, Martin RINCKENBACH allait réussir bien mieux que lui dans ce domaine et prit sa place sur le plan économique. Claude-Ignace fit d'ailleurs une sorte de "retour en arrière" significatif, à Réguisheim et à Widensolen. ![]() L'exceptionnel orgue d'Oberhergheim est resté pratiquement authentique : il y eut une réparation à la Soufflerie en 1874. En 1917, les tuyaux de façade (les tuyaux en façade des Montres 16' et 8' du Grand Orgue et de la Montre 8' du Positif) ont été réquisitionnés par les autorités allemandes (un Callinet n'avait à l'époque pratiquement aucune valeur "culturelle", comme on disait). En 1928, Georges SCHWENKEDEL intervint pour remplacer la façade, et recula le Grand buffet de 70 cm de façon à laisser plus de place entre celui-ci et le Positif. Schwenkedel, qui savait reconnaître un chef-d'oeuvre, avait en effet heureusement refusé d'intégrer le Positif à l'instrument (comme cela se passait régulièrement à cette époque). Mais cela ne fut évidemment pas bon pour la mécanique du Positif. En 1954 et 1958, il n'y eut que des réparations mineures. Enfin, en 1993, Gaston KERN, pour la Manufacture d'Orgues Alsacienne restaura l'instrument en posant une façade neuve.
Le grand Buffet a été remis à sa place.
L'inauguration a eu lieu le 10/10/1993, avec par René KIENTZI et Hubert HELLER. Enfin, en 2005, c'est Jean-Christian GUERRIER qui fut chargé d'un Relevage et de l'entretien. En effet, la mécanique du Grand-orgue avait quelque peu vieilli et souffrait de grippages au niveau de l'Abrégé. Le phénomène a été corrigé (de façon réversible) par action sur les axes des rouleaux. Depuis cette intervention, la mécanique a retrouvé toute sa souplesse et sa précision. ![]() Mécanique : Suspendue.
Sommiers à Gravures, le tout d'origine.
![]() En remerciant Mr Jean-Christian GUERRIER pour la visite qui permit d'obtenir ces photographies (ainsi que des dizaines d'autres...) voici une petite "visite guidée" des entrailles de cette magnifique machine :
C'est avant tout un instrument extrêmement attachant en raison de l'ambiance du lieu.
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La qualité de la facture est remarquable.
Voici un détail de la tuyauterie du (grand) Positif de dos (le Chalumeau est au premier plan).
Dans tout l'instrument, on trouve des preuve évidentes d'une conception extrêmement réfléchie et murie (par exemple, l'astucieux passage des sabres de commande des Registres du Récit).
Voici la Laye ouverte. Nous sommes situés en face de l'orgue, juste en dessous du niveau de la façade. C'est le coeur de l'instrument : la Laye du Grand-orgue. Le Tampon ayant été déposé, on voit les Soupapes, leurs ressorts, les "S" servant à les relier aux Pilotes de commande, et les Boursettes assurant l'étanchéité. Les Soupapes sont collées à l'autre extrémité. Juste en haut des Soupapes se trouvent les Gravures, alimentant tous les tuyaux d'une note donnée. Ici, une touche du Grand-orgue est enfoncée, et les deux Soupapes (c'est courant dans les Basses, et permet de libérer le vent avec plus de vigueur dans les gros tuyaux gourmands) sont descendues, donc ouvertes.
A droite, un tuyau (à Bouche) de la Flûte 4' de Pédale.
Les traitements métallurgiques sont d'un très haut niveau, et permettent de parvenir à une grande stabilité dans le temps et une excellente tenue d'accord.
Voici une signature, de 1853, tracée à la plume et à l'envers (i.e.
tête en bas ; Leonardo n'a pour une fois rien à voir là-dedans...) sur la planche bordant le côté droit de l'estrade de la Console.
Il y a eu une hésitation : "183..." puis le "3" a été changé en "5" d'un coup de plume.
On croit aussi lire un "1837", dont le 7 aurait pu être effacé.
La planche provenait-elle d'un autre instrument ?
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![]() (1) C'est-à-dire avec une "reprise" comme les Mixtures : 4' dans la basse (où c'est un Bourdon), puis chute d'une octave, ce qui fait que le jeu se retrouve en 8' dans les aigus (où c'est une Flûte ouverte de taille étroite, en étain).
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