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Les orgues de la région de Wissembourg
Wissembourg, Sts-Pierre-et-Paul
avant 1520 atte > Orgue attesté
1917 degr > Dégâts
Partie instrumentale classée Monument Historique, 28/05/1973.
Buffet classé Monument Historique, 28/04/1975.
Wissembourg, l'orgue Dubois.Photo de Lucas Amman,
        20/05/2012 (le jour de l'inauguration).Wissembourg, l'orgue Dubois.
Photo de Lucas Amman, 20/05/2012 (le jour de l'inauguration).

Louis Dubois termina cet orgue - le plus grand de sa carrière - au tout début 1766, juste avant de mourir, le 23/02/1766. Certes, l'ambition un peu démesurée du projet initial lancé au milieu de 18ème siècle avait été revue à la baisse. Il faut dire qu'après un enthousiasme débordant (deux 32' ouverts au menu), quelques tâtonnements, et pal mal de malchance, il avait fallu adopter une approche un peu plus pragmatique. Et avant tout confier les travaux à un homme de l'art expérimenté comme Louis Dubois. Mais c'est quand même le plus grand orgue survivant qui ait été construit en Alsace au 18ème, avec son Principal 16' manuel et ses 39 jeux sur trois manuels et pédale. C'est sûrement grâce à la construction de l'orgue de de transept , en 1953, que le chef d'oeuvre de Dubois a été épargné, et conservé jusqu'à nos jours dans un état d'authenticité exceptionnel. Sa récente restauration en l'état de 1766 a donc "remis en voix" un des témoins les plus fidèles de la facture d'orgue française de l'époque classique.

L'édifice, exceptionnel de richesse historique et culturelle, abrite de nombreux trésors, tels la fresque de St-Christophe et le Saint-Sépulcre du 15 ème siècle, le cloître du 14 ème, et la chapelle Sts-Pierre-et-Paul du 11 ème siècle. C'est une ancienne abbaye bénédictine, fondée au milieu du 7ème siècle.

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L'orgue de facteur inconnu (avant 1520)
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Historique

Wissembourg abrite des orgues depuis au moins avant 1520, date à laquelle le premier instrument est attesté. [IHOA]

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L'orgue Johann Ludwig Wigandus,
1525
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Historique

L'orgue précédent a été remplacé en 1525 par un ouvrage de Johann Ludwig Wigandus. [HOIE] [ITOA] [IHOA] [Wissembourg2012]

Epaulé par un orgue "de choeur" construit durant la même période, cet instrument de la renaissance devait encore être de caractère fortement médiéval, puisqu'il était placé en nid d'hirondelle (sur le mur nord, au niveau de la troisième travée). [Wissembourg2012]

En juin 1731, il fut sérieusement question de remplacer ces deux instruments. André Silbermann fut contacté. On parlait alors d'un orgue de taille plutôt limitée : 13 jeux au manuel, plus écho, plus pédale de 3 jeux. Mais l'affaire ne se fit pas. Quelques années plus tard (juillet 1737), son fils Jean-André vint examiner les deux instruments : ils avaient selon lui au moins 150 ans. [HOIE] [ITOA] [Wissembourg2012] [ArchSilb]

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Le projet de Alfermann (1751) (instrument actuel)
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Historique

L'histoire de l'orgue actuel, même s'il a été achevé plus tard, commence en fait en 1751, par un projet mené par le fils de Johann Friedrich Alfermann. [Wissembourg2012] [ArchSilb]

L'affaire nous est connue car un menuisier de Landau commença à construire un buffet pour la "Stiftkirche" - comme on la nommait à l'époque - de Wissembourg. La partie instrumentale ne pouvait pas être l'oeuvre de Johann Friedrich Alffermann (~1695-1750), mais fort probablement de l'un de ses fils, de prénom inconnu. Notons que Silbermann orthographiait "Alfftermann".

Le projet était de grande envergure : un 16 pieds, sûrement plus grand que les instruments construits par Johann Friedrich. La "signature visuelle" Alffermann est la présence, sur le soubassement, de deux panneaux trapézoïdaux - presque triangulaires - de part et d'autre du culot de la tourelle centrale. Le style d'orgues du Palatinat, qui a inspiré ces buffets, aimait aussi remplacer les places faces par des structures saillantes en tiers-point (comme pour les orgues de Johann Carl Baumann, voir Altenstadt). Ces deux caractéristiques ne se retrouvent pas à Schleithal (mais le buffet y a été reconstitué), mais sont bien visibles à Niederroedern, où se trouve l'ancien orgue de Soultz-sous-Forêts (qui semble bien devoir être attribué à Alffermann et non à Baumann). A Böchingen (Johann Friedrich Alffermann, 1726), c'est la tourelle centrale qui est en tiers-point. Un buffet Alffermann a été conservé (bien que complété) au château des ducs de Pfalz-Zweibrücken, à Bad Bergzabern (D). Cet orgue aussi a été construit par le fils de Johann Friedrich ; il présente également les deux caractéristiques visuelles.

Le fils Alffermann commença la réalisation, en particulier du buffet et de quelques éléments de tuyauterie, mais il se tua littéralement à la tâche, et la mort vint bientôt interrompre son travail, au début de l'automne 1757. Jean-André Silbermann fut appelé pour visiter l'ouvrage inachevé (sous prétexte un accord de l'orgue de choeur qu'il ne fit probablement pas). On peut sans risque avancer que pour Silbermann, il aurait été hors de question d'achever un travail aussi avancé : le grand-orgue était presque jouable. (Malgré des défauts de mécanique ; de plus, le fait que Dubois ait dû construire une tuyauterie neuve pour le grand-orgue laisse à penser que celle d'Alffermann n'était pas satisfaisante.) [ArchSilb]

Ornements des claviers. Le travail est
                    certainement à attribuer à Alffermann.Photo de Lucas Amman, avant
                    restauration.Ornements des claviers. Le travail est certainement à attribuer à Alffermann.
Photo de Lucas Amman, avant restauration.

Or, on avait déjà beaucoup engagé dans le projet, et en 1759, ce fut une "fuite en avant" : le Chapitre confia à Johann Friedrich Eggers, un projet encore plus ambitieux. [ArchSilb] [Wissembourg2012]

Il s'agit de Johann Friedrich (et non Heinrich), d'Einbeck, à environ 70 km au sud de Hannovre (D). Johann Friedrich Eggers a travaillé en 1758 à Wittelsheim sur l'orgue (Aebi?) qui venait des Dominicaines de Schoenensteinbach. Silbermann orthographiait "Egers".

Jean-André Silbermann, à nouveau dans les parages, note avec sa pointe d'ironie habituelle une certaine folie des grandeurs, et rapporte que le projet devait contenir un trente-deux pieds ouvert "qu'il aimerait bien entendre"... Mais personne n'entendit jamais l'Untersatz 32', ni la Contre-Posaune qui devait l'affronter du côté des anches : Eggers se montra incapable de maîtriser les difficultés liées à la réalisation d'un trois claviers. Après plus de 3 ans de travaux infructueux, menés malgré une expertise, il finit par s'enfuir de Wissembourg en 1763, laissant le tout en plan. L'orgue de Wissembourg avait donc quelque part coûté la vie à un facteur, et sa carrière à un second. (Pas tout à fait, puisqu'on vit Eggers procéder à une réparation dans la région de Hanovre en 1763.) [ITOA] [ArchSilb]

Le Chapitre se retrouvait sans facteur, avec un projet à re-définir... et une quantité incroyable de matériaux et de pièces d'orgues. Il était urgent de trouver un véritable "homme de l'art". Or, l'année même de la fuite d'Eggers, Louis Dubois était en train d'achever l'orgue de l'église des Récollets de Saverne. Il venait tout juste de poser un orgue neuf à Ingwiller, et depuis 1759, il signait un orgue neuf par an : voir par exemple Hilsenheim - aujourd'hui à Bossendorf -.

C'est donc Louis Dubois qui acheva l'orgue de Wissembourg, en 1766. [HOIE] [IHOA] [Wissembourg2012]

Louis Dubois "d'Ammerschwihr" était alors installé à Kaysersberg (où l'on peut voir l'un des derniers orgues survivants de son maître probable, Joseph Waltrin). Recommandé par le Père Nemesius, il fut sollicité et répondit favorablement à Wissembourg (sûrement au soulagement de tous). Du coup, après plus de 15 ans de malchance ou d'errements, le Chapitre voulut "mettre la pression". En Août 1763, l'affaire était toutefois signée, car Dubois écrivit la lettre qui suit : [MSDUBOIS]

A Messieurs
Messieurs les Prevots Doyen et Chaoines
de Chapitre de la Collegiale de Vissenbourg,
a Vissenbourg.
Messieurs,
j'ai reçu le plan de vôtre orgue avec la lettre, que vous m'avez fait l'honneur de m'ecrire par laquelle vous me marqué que je vous ferait plaisir de diférer les orgues, que j'ai a faire, pour travailler à la votre, ce qui ne peut ce faire parce que je me suis engagé comme vous le savez de construire les dites orgues avant qu'il ait été question de la vôtre ; quoy qu'il en soit vous ne devez point vous inquieter, je travaillerai avec dilligence pour rendre la vôtre dans sa dernière perfection avant que nôtre marché soit à sa fin ; et c'est à quoy je vous prie de conter ; et pour d'autant plus accélerer l'ouvrage, je ferai icy tous les tuyaux qui doivent être d'etein de même que les hanches et les languettes ; en atendant j'ai l'honneur d'etre parfaitement avec le recept le plus profond
Messieurs
Votres humbles et très obeissant serviteur
Dubois
facteur d'orgues
à Kaysersberg ce 25e. Aoust 1763. [MSDUBOIS]

Il y avait encore beaucoup de travail : finir le buffet, réaliser le sommier d'écho, et surtout construire ou reconstruire l'essentiel de la tuyauterie (même si Dubois disposait d'une grande quantité de tuyaux sur place). On retrouve au positif (qui était toutefois vide à la reprise du travail par Dubois) des tuyaux d'Alffermann, d'Eggers, et même du 17 ème siècle (de l'instrument précédent ?), à aplatissages en ovale. Louis Dubois travailla pour Wissembourg pendant presque 3 ans, c'est-à-dire jusqu'au début de 1766. Il fut très apprécié : même Jean-André Silbermann finit par concéder : "Da nun Egers fort war, brachte H Pater Nemesius den Orgelmacher H Dubois dahin, und lobte ihn gar sehr." [ITOA]

Son ouvrage achevé, Louis Dubois avait pour projet de construire un orgue de 48 jeux pour la Collégiale de Lautenbach. Mais le destin en décida autrement : il rentra à Kaysersberg où il mourut dès le 23/02/1766. [MSDUBOIS]

L'instrument de Wissembourg resta donc le plus grand et le dernier orgue construit par Louis Dubois, et aujourd'hui plus grand orgue d'Alsace légué par le 18 ème (seulement 4 "seize-pieds" furent construits en Alsace au 18 ème). L' "école" Dubois fut perpétuée à Kaysersberg par Jacque Besançon (qui avait participé à la construction de l'orgue se Wissembourg), à Pfaffenheim par Weinbert Bussy, et surtout à Ammerschwihr, par Martin Bergäntzel, d'où est issue l'entreprise de Valentin Rinkenbach, que Martin puis Joseph Rinckenbach mèneront à l'âge d'or de la facture d'orgues alsacienne.

Si le soubassement du buffet est dû à Alffermann, les parties supérieures sont bien de Dubois. Les ornements de style Rocaille, eux, sont d'un sculpteur local, le Wissembourgeois Franz Jacob Martin. Voici la composition figurant dans les archives de Jean-André Silbermann (mais notée d'un main inconnue) :

Le grand jeu
  • - 1. une montre de 8 pieds
  • - 2. bourdon de 16 pieds
  • - 3. flutte de 16 pieds
  • - 4. bourdon de 4 pieds
  • - 5. flutte de 4 pieds
  • - 6. nazare de 3 pieds
  • - 7. doublette
  • - 8. une tierce
  • - 9. fourniture
  • - 10. cimbale
  • - 11. trompette de 8 pieds
  • - 12. Clairon
  • - 13. voix humaine
  • - 14. Cornette
  • - 15. je ne sais quoy
Silbermann note à coté de l'item 15 "NB. soll Fagott-Bass daraus werden" ("ça doit être le Basson").
Le positif
  • - 1. montre de 4 pieds
  • - 2. bourdon de 4 pieds
  • - 3. flutte de 2 pieds
  • - 4. nazare
  • - 5. doublette
  • - 6. tierce
  • - 7. fourniture
  • - 8. harigot
  • - 9. Cromhorn
pedal
  • - 1. une flutte de 16 pieds
  • - 2. une flutte de 8 pieds
  • - 3. flutte de 4 pieds
  • - 4. bombarde de 16 pieds
  • - 5. une trompette de 8 pieds
  • - 6. un Clairon de 4 pieds
L'Echo
  • - 1. bourdon
  • - 2. un prestant
  • - 3. nazare
  • - 4. doublette
  • - 5. tierce
  • - 6. trompette
  • - 7. voix humaine

On sait aussi que le clavier d'écho n'avait que 48 notes (quatre octaves complètes sans le Do# grave : CD-c'''). Il y avait les habituels tremblants doux ("dans le vent") et fort ("à vent perdu"), mais aussi un troisième adapté aux deux Voix humaines. Quant à la soufflerie, elle était constituée de 6 soufflets cunéiformes. La composition de 1766 est l'actuelle (2012).

L'orgue Dubois donna visiblement toute satisfaction. Il passa la Révolution presque sans encombre. Après la période Napoléonienne, de petites réparations furent néanmoins nécessaires (112 tuyaux étaient portés manquants en 1829). C'est à George Wegmann que l'on confia les travaux, vers 1835, ce qui explique la présence d'un centaine de tuyaux de ce facteur dans l'orgue actuel. [ITOA] [Wissembourg2012]

Puis ce fut reparti pour près de 40 ans sans histoires. Le travail de Dubois était "du solide". Vers 1860, l'organiste A. Ungerer, voulut toutefois mettre l'instrument au goût du jour ("à l'heure" devrait-on dire cas ce cas). Les Tierces et les Mixtures aiguës étaient en effet devenues très impopulaires, et le répertoire demandait des jeux "gambés". En juillet 1857, un projet fut établi avec Pierre Rivinach, d’Insming, mais c'est finalement aux frères Xavier et Ferdinand Stiehr que l'on demanda de procéder à quelques modifications, achevées en août 1862 : [Wissembourg2012]

Au positif, la Fourniture fut remplacée par un Basson/Hautbois et la Tierce par un Jeu céleste 4' (c'est-à-dire un Salicional en 4 pieds).

Au grand-jeu : la Tierce par une Gambe 8' et, fort malheureusement, le Basson 16' par un Salicional 8'.

A la pédale, on voulut bien sûr l'incontournable Violoncelle 8', mais ce ne fut probablement pas au sacrifice d'un jeu ancien (Chape ajoutée ?).

De plus, les soufflets cunéiformes ont évidemment été remplacés par un réservoir à plis parallèle. A la console, les étiquettes furent replacées. On ne sait pas si c'est à cette occasion que l'on retira le 4ème rang de la Fourniture du grand-orgue.

Les transformations de Stiehr n'étaient finalement pas très graves. En mai 1909, Adolf Gessner vint visiter (avec Paul Münck) l'orgue de Wissembourg alors attribué à Alffermann ; il fut littéralement conquis. Il le jugeait bien au-delà (en qualité) des orgues d'André Silbermann (auquel il voulait proposer une alternative, car il était visiblement préoccupé par le fait que l'on limitât tout le 18ème siècle alsacien aux seuls Silbermann).

Malgré leur caractère évidemment "historiques", et parce que personne ne fit les démarches nécessaires à leur exemption de réquisition, les tuyaux de façade (pas moins de 300 kg d'étain) ont été retirés en 1917 au bénéfice de l'effort de guerre. [HOIE] [IHOA] [Wissembourg2012]

Comme presque partout ailleurs en Alsace, le remplacement la façade réquisitionnée provoqua un projet de transformation. Une reconstruction presque totale fut envisagée, et un devis produit en ce sens par la maison Roethinger en mars 1925. Mais c'était cher, et finalement, une intervention plus modeste fut demandée à Franz Xaver Kriess, de Molsheim. Achevée en 1929, elle consista (outre à poser de nouveaux tuyaux de façade) à déplacer la soufflerie (de Stiehr), à reculer le grand buffet de près de 2 m et à hausser le diapason pour atteindre le La à 435Hz (ce qui représentait plus qu'un ton !). Les deux dernières modifications furent bien sûr préjudiciables à l'instrument : la première impliqua la destruction de la mécanique du positif de dos (et son remplacement par un système d'équerres), et la seconde un important raccourcissement de la tuyauterie (avec les changements aux Tailles, c'est-à-dire au rapport hauteur/diamètre des tuyaux que cela implique). Kriess retoucha aussi l'harmonisation. [IHOA] [Wissembourg2012]

Le bon côté était que l'essentiel de Dubois était donc encore là. Le mauvais était indéniablement un instrument devenu très fragile, surtout du point de vue de la mécanique (et certainement de la tenue de l'accord). Du coup, il est logique qu'en 1951, il fut une seconde fois question de demander à la maison Roethinger de modifier profondément le vieux Dubois. Mais là, le miracle eut lieu : Roethinger construisit un orgue neuf, accroché dans le de transept nord, à traction électrique, et bien adapté à un usage liturgique. Achevé en 1953, il permit qu'on laissa tranquille l'orgue de tribune. Très tranquille. En 1962, quand le "baroque" était revenu à la mode, Roethinger, suite à des recommandations de Michel Chapuis, entreprit des travaux (inachevés) à la soufflerie du vénérable instrument (qui était déjà censé ne plus avoir joué depuis 10 ans...) La partie instrumentale a été classée Monument Historique le 28/05/1973, et le buffet classé Monument Historique le 28/04/1975. La Voix humaine du grand-orgue a servi de modèle pour reconstituer celle de Schwobsheim. En 1983, dans "Historische Orgeln im Elsass", Pie Meyer-Siat note "Da aber ohne Unterhalt, wird dir Orgel seit 30 Jahren nicht mehr bespielt" ("Faute d'entretien, cela fait 30 ans que l'orgue n'est pas utilisé"). En 1985, l'Inventaire technique le trouva dans un état "très mauvais, inutilisé depuis longtemps". Le trésor était intact, cela se savait, mais les moyens à engager pour le remettre en valeur étaient considérables. [ITOA]

Ce groupe de 7 photos, prises par Lucas
                    Amman, avant restauration, donne une bonne idée de l'état de l'instrument lors
                    de sa période d'abandon.Ce groupe de 7 photos, prises par Lucas Amman, avant restauration, donne une bonne idée de l'état de l'instrument lors de sa période d'abandon.
On distingue en tout haut à gauche et à
                    droite, et aussi en bas à droite, des tirants "à la Wetzel", i.e. avec un
                    pommeau noir concave, orné d'un bouton blanc central. Leur origine reste un
                    mystère. Wegmann ?On distingue en tout haut à gauche et à droite, et aussi en bas à droite, des tirants "à la Wetzel", i.e. avec un pommeau noir concave, orné d'un bouton blanc central. Leur origine reste un mystère. Wegmann ?
La tuyauterie de pédale. Les anches
                    sont bien sûr en avant, pour permettre un accord aisé. D'abord le Clairon, puis
                    la Trompette (en étain). La Bombarde n'est pas encore visible.La tuyauterie de pédale.
Les anches sont bien sûr en avant, pour permettre un accord aisé. D'abord le Clairon, puis la Trompette (en étain). La Bombarde n'est pas encore visible.
La tuyauterie de pédale, quelques pas en
                    arrière. On voit cette fois la Bombarde : les tuyaux aigus, sur le côté, sont en
                    étain. Les 13 tuyaux les plus graves, au centre, sont en sapin, mais toujours
                    coniques. Les tuyaux sont donc disposés "en mitre". A l'arrière, et avec la même
                    disposition, on voit les tuyaux en bois rectangulaires des trois jeux de fond.
                    Les plus petits tuyaux sont surélevés sur une rallonge. On distingue aussi
                    quelques tuyaux cylindriques métalliques du Violoncelle de Stiehr (1862),
                    aujourd'hui déposé.La tuyauterie de pédale, quelques pas en arrière. On voit cette fois la Bombarde : les tuyaux aigus, sur le côté, sont en étain. Les 13 tuyaux les plus graves, au centre, sont en sapin, mais toujours coniques. Les tuyaux sont donc disposés "en mitre". A l'arrière, et avec la même disposition, on voit les tuyaux en bois rectangulaires des trois jeux de fond. Les plus petits tuyaux sont surélevés sur une rallonge. On distingue aussi quelques tuyaux cylindriques métalliques du Violoncelle de Stiehr (1862), aujourd'hui déposé.
La tuyauterie du positif.Les tuyaux
                    à double cône au premier plan sont ceux du Hautbois (Stiehr, 1862), aujourd'hui
                    déposés. Le jeu d'anches à résonateurs cylindriques est le Cromorne. Tout au
                    fond, la façade du positif (qui était alors de Kriess, 1928).La tuyauterie du positif.
Les tuyaux à double cône au premier plan sont ceux du Hautbois (Stiehr, 1862), aujourd'hui déposés. Le jeu d'anches à résonateurs cylindriques est le Cromorne. Tout au fond, la façade du positif (qui était alors de Kriess, 1928).
La tuyauterie du positif en plus gros
                    plan.L'était était préoccupant, même si l'essentiel du matériel était là.
                    Les entailles ne sont pas du tout normales sur ce type de tuyauterie, qui
                    devrait être "coupée au ton". C'est une conséquence du fait que Kriess a haussé
                    le diapason d'un ton (donc raccourci la longueur utile des tuyaux). La sur-
                    longueur change le timbre, et surtout, le rapport hauteur/diamètre (la "taille")
                    des tuyaux a du coup été fortement modifié. On imagine le long et délicat
                    travail du restaurateur, obligé de sauver ce qui peut l'être, puis de souder des
                    allonges neuves correspondant exactement au métal qui avait été perdu. Les
                    Bourdons, bouchés, avaient été moins malmenés (mais probablement
                    décalés).La tuyauterie du positif en plus gros plan.
L'était était préoccupant, même si l'essentiel du matériel était là. Les entailles ne sont pas du tout normales sur ce type de tuyauterie, qui devrait être "coupée au ton". C'est une conséquence du fait que Kriess a haussé le diapason d'un ton (donc raccourci la longueur utile des tuyaux). La sur- longueur change le timbre, et surtout, le rapport hauteur/diamètre (la "taille") des tuyaux a du coup été fortement modifié. On imagine le long et délicat travail du restaurateur, obligé de sauver ce qui peut l'être, puis de souder des allonges neuves correspondant exactement au métal qui avait été perdu. Les Bourdons, bouchés, avaient été moins malmenés (mais probablement décalés).
Aspect global de l'orgue entre 1929 et 2010
                    : le grand corps était reculé de 2m, ce qui nuisait à l'équilibre de
                    l'ensemble.Aspect global de l'orgue entre 1929 et 2010 : le grand corps était reculé de 2m, ce qui nuisait à l'équilibre de l'ensemble.

Le "Dubois" était donc resté à l'abandon pendant plus de 30 ans. Entre temps, le monde de l'orgue avait totalement changé, et la manière de se servir de ses instruments aussi. Grâce à son petit compagnon sans buffet, accroché dans le transept, qui "faisait le boulot", on put prendre le temps d'une restauration en profondeur. Pour ce grand ensemble du 18ème, une seule option allait être retenue : restauration dans l'état de 1766. Au delà de l'énorme travail que cela représentait, la quantité de matériel d'origine et d'indices permettant de reconstituer ce qui manquait redaient l'objectif atteignable sans faire trop de devinettes. Pour mener à bien les travaux, on choisit celui qui avait déjà restauré tant d'orgues en Alsace, caractérisé par une étonnante faculté à "incarner" des facteurs disparus. Un jour "Joseph Callinet", plus tard "Jean-André Silbermann", Gaston Kern (que certains disaient déjà à la retraite) se fit cette fois "Louis Dubois".

L'orgue Dubois a été restauré dans l'état de 1766 par la maison Kern (atelier de Hattmatt, donc Gaston Kern, harmonisation de Daniel Kern). Les travaux ont été menés en 2010-2011 et achevés en 2012. [Wissembourg2012]

L'orgue pendant sa restauration (avec son
                    échafaudage).Photo d'Eric Adam, 19/11/2011.L'orgue pendant sa restauration (avec son échafaudage).
Photo d'Eric Adam, 19/11/2011.

La maîtrise d'ouvrage était assurée par la Ville de Wissembourg, et la maîtrise d'oeuvre par Christian Lutz. Un comité de suivi a rassemblé Marc Baumann, Denise Becker, Thomas Becker, Louis Kolb, Christian Lutz, Isabelle Mather, Lean-Louis Pfeffer, Gilbert Pointsot, André Reinwalt et Marc Schaefer. [Wissembourg2012]

Les ajouts de Stiehr ont été supprimés. Les tuyaux manquants pour revenir à la composition de 1766 ont été reconstitués sur des modèles de Dubois. Pour les tuyaux de façade, ce sont les orgues d'Oberentzen et de l'église des Récollets de Saverne qui ont servi de modèle. Le buffet a bien sûr repris sa place originelle sur la tribune.

Le diapason d'origine a été reconstitué (il est très grave : pratiquement 3 demi-tons plus grave que le diapason moderne, soit pas loin de Do 440Hz), par rallonge des tuyaux. Suite à l'intervention de 1925 sur la tuyauterie, il était bien sûr impossible de retrouver le tempérament d'origine. Toutefois, des indices concordants montrent qu'il était forcément inégal (à ce diapason, les tuyaux C tempérés en égal ne rentraient pas dans le buffet).

Quant à la soufflerie a été reconstruite avec des soufflets cunéiformes.

(Pour des raisons évidemment "historisantes" : ils ne servent évidemment que de réservoir en temps normal - leur seul intérêt semble avoir été de reconstituer l'architecture initiale du massif soufflerie+pédale. L'inconvénient (outre la complexité : système de levage à poulies et soufflets se trouvant dans le chemin de la mécanique de pédale) est bien sûr de limiter la "marge de sécurité" en introduisant des non-linéarités lorsqu'on s'écarte du volume nominal.)

La splendide console d'Alffermann a été reconstituée, les étiquettes Stiehr ayant été archivées après décollage.

L'inauguration a eu lieu le dimanche 20/05/2012 à 15h, avec une présentation des jeux par Gaston Kern et Marc Schaefer aux claviers, et un récital de Pascal Reber (Grigny : Veni Creator ; Bach : An Wasserflüssen Babylon (BWV 653) (Leipzig) et Komm, heiliger Geist (Leipzig) (BWV 625) ; Boehm : partita über 'Wer nur den lieben Gott lässt walten' ; Du Mage : Suite du premier ton). [RLopes]

Le buffet

Buffet en chêne, soubassement d'Alffermann (1752), superstructures de Dubois (1766). Les ornements de style Rocaille (claires-voies, jouées, rinceaux et gaufrages) ont été réalisés par un sculpteur local, le wissembourgeois Franz Jacob Martin. [Palissy]

Le grand corps est un "12 pieds en Montre" (conçu pour s'inscrire sous la voûte), à 5 tourelles, la plus grande au milieu (9 tuyaux) et avec des tourelles intermédiaires très petites. Pour lui "répondre" de façon cohérente, le petit corps abritant le positif est à 3 tourelles, la petite au centre. Culots tournés, entablements classiques, surmontées de pot-à-fleurs en trophée particulièrement élaborés. Le soubassement, à panneaux, présente deux panneaux trapézoïdaux (presque triangulaires) sur les côtés du culot de la grande tourelle. Les élargissements encadrant le soubassement sous les tourelles latérales (caractéristiques du 18ème) sont très arrondis et proéminents. Le petit corps, très en porte-à-faux par rapport à la tribune, est muni d'un pendentif.

L'architecture est assez spécifique, puisque non seulement le buffet est autoporteur (comme tous ceux du 18ème), mais sa charpente est directement en contact avec celle du massif pédale/soufflerie.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2012
Positif de dos, 49 n. (C-c''')
(f-c''')
Façade de Kern
Kern
Kern
C c c' c''
1' 2' 2'2/3 5'1/3
2/3' 1'1/3 2' 4'
1/2' 1' 1'1/3 2'
Grand-jeu, 49 n. (C-c''')
Façade de Kern
Façade de Kern
Kern
(c'-c''')
4ème rg. Kern
C c c' c''
1'1/3 2' 4' 8'
1' 1'1/3 2'2/3 5'1/3
2/3' 1' 2' 4'
1/2' 2/3' 1'1/3 2'2/3
C c c' c''
1' 2' 2'2/3 4'
2/3' 1'1/3 2' 2'2/3
1/2' 1' 1'1/3 2'
Kern
Kern sauf 8 tuyaux
Dubois/Wegmann
Dubois/Wegmann
En partie Kern
En partie Kern
Dubois/Wegmann
Dubois/Wegmann
Tiroir, par déplacement de II
Echo, 25 n. (c'-c''')
Pédale, 25 n. (C-c')
Dubois/Wegmann
Dubois/Wegmann
Dubois/Wegmann
type Clicquot
[MSDUBOIS] [Wissembourg2012] [RLopes]

Il s'agit aussi de la composition d'origine (1766) laissée par Dubois. Le sommier du dessus d'écho (construit par Dubois) a bien 25 notes (c'-c'''), même si le clavier (antérieur à Dubois) est prévu pour un écho complet. Il n'a pas de touche Do# grave (Cis), comme c'était très souvent le cas avant 1750 (CD-c''').

Console:
La console en fenêtre.Photo de Lucas
                    Amman, avant restauration.Note : les claviers n'étaient pas détruits. C'est
                    la mécanique, rompue, qui laissait retomber les touches. C'était surtout marqué
                    au positif (clavier du bas), là où les équerres placées en 1928 pour reculer le
                    grand buffet ont lâché. La mécanique d'origine (claviers du milieu et supérieur)
                    qui aura bientôt 250 ans, était en bien meilleure forme... La console en fenêtre.
Photo de Lucas Amman, avant restauration.
Note : les claviers n'étaient pas détruits. C'est la mécanique, rompue, qui laissait retomber les touches. C'était surtout marqué au positif (clavier du bas), là où les équerres placées en 1928 pour reculer le grand buffet ont lâché. La mécanique d'origine (claviers du milieu et supérieur) qui aura bientôt 250 ans, était en bien meilleure forme...

Console en fenêtre frontale, probablement d'Alffermann (en tous cas antérieure à Dubois : le dessus d'écho a un clavier complet). Claviers en ébène avec incrustation d'os, particulièrement soignées et originales. Frontons des touches tournés et dorés. Les naturelles sont munies de deux filets en os, là où s'arrêtent les feintes. Joues des claviers ornées sur le flanc horizontal et vertical de motifs "en sablier". Commande de l'accouplement à tiroir par boutons frontaux sur le deuxième clavier. Toutes les touches "Do" sont ornées d'incrustations en os à motifs floraux : fleur à 5 pétales pour le positif, "tulipes" pour le grand-orgue et "brins" pour l'écho. Pédalier d'origine (probablement de Dubois) avec feintes à bec. Tirants de jeu de section carrée à pommeaux tournés noirs.

Transmission: mécanique suspendue. Positif et écho à balanciers en éventail. Pour régler la courbure de ses balanciers, Dubois fendait une extrémité dans le plan horizontal, et, au moyen d'une vis de réglage, accentuait ou réduisait la fente.
Sommiers: à gravures, en chêne, d'origine (écho de Dubois). La pédale est logée en hauteur, au niveau de la plate-forme d'accord du grand-orgue.
Soufflerie:

Six soufflets cunéiformes (3 groupes de 2 superposés) sont logés à l'arrière (servant de réservoir). Système de pompage manuel (levage) par sabots et poulies.
Pression : 75 mm H2O.

Tuyauterie: coupée au ton, bourdons à calottes soudées. Ensemble homogène, tel que voulu par Dubois, avec reprise de tuyaux plus anciens (Alffermann, Eggers ou même du 17ème). Quelques tuyaux de Wegmann (posés après la révolution en remplacement de matériel disparu). Les tuyaux reconstruits en 2012 (en particulier les Tierces, la Fourniture du positif, des anches du grand-orgue et les Montres) ont été réalisés par la maison Kern sur des modèles de Dubois.

Diapason : La 370Hz à 13°. (Soit à peu près Do 440Hz, ou encore une tierce mineure sous le diapason moderne.) C'est un cas unique de diapason aussi grave.

"Le plus important ensemble du XVIIIème siècle
            existant encore en Alsace" (Michel Chapuis, 1962).Photo de Roland Lopes,
            20/05/2012."Le plus important ensemble du XVIIIème siècle existant encore en Alsace" (Michel Chapuis, 1962).
Photo de Roland Lopes, 20/05/2012.

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