Friedrich Goll (1839-1911), de Lucerne, plaça cet orgue à Hundsbach en 1891. C'est non seulement l'un des orgues les plus importants d'Alsace, mais d'Europe : son authenticité en fait un témoin incontournable de la facture post-romantique. Et c'est aussi l'influence de la facture d'orgues suisse en Alsace qui est illustrée ici.
Historique
Un orgue est attesté à Hundsbach entre 1825 et 1840, mais on n'en sait pas plus sur cet instrument. [IHOA]
Historique
En 1891, Hundsbach reçut un bijou de la facture d'orgues européenne : opus 96 de Friedrich Goll. [IHOA] [SiteGoll]
L'orgue a été reçu le 04/11/1891 par Albert Schwey. [Barth]
Albert Schwey
Albert Schwey (1856-1898) était alors titulaire du grand orgue de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Il fut choisi pour devenir organiste de la cathédrale en 1883, face à 10 concurrents, dont des "pointures" comme Théodore Thurner... et sans avoir officiellement porté sa candidature ! Une fois nommé, ses activités, outre l'accompagnement des offices, étaient centrées sur l'enseignement (chant, avec la Maîtrise), la direction de chœurs (deux chœurs d'hommes et un d'enfants) et la recherche (réforme du chant grégorien).
Schwey était aussi mandaté pour expertiser et recevoir des orgues : il officia comme expert auprès du tribunal de Neunkirchen (Sarre, D), pour un procès opposant le facteur d'orgues Sonreck et ses commanditaires. Schwey participa à la réception d'orgues, comme à Altkirch en 1884, ou celui de Hundsbach. Ce fut une telle réussite que Friedrich Goll, voyant le succès de cet instrument et la satisfaction de Schwey, se lança dans la course pour la reconstruction de l'orgue de la cathédrale de Strasbourg. Mais Albert Schwey, atteint de tuberculose, se retira en 1896, et mourut à 41 ans.
Voilà pourquoi cet instrument faillit ouvrir à Goll la tribune de la Cathédrale de Strasbourg.
La composition
Dès 1872, le style de la maison Goll s'adapta aux nouvelles demandes d'organistes : pour un instrument de taille moyenne, le grand-orgue se devait de comporter une Quinte 2'2/3, une Octave 2' et une Mixture 2'2/3. En option recommandée : un Cornet progressif (Mixture-Cornett) et une Trompette 8'. Ladite Trompette, fidèle à une disposition germanique, ne se concevait alors qu'au grand-orgue, en tant que "jeu fort". De ce point de vue, l'orgue de Hundsbach satisfait pleinement à ces recommandations.
En 1892, la maison Goll construisit un orgue pour les dominicains de Delle, qui fut déménagé à Mulhouse en 1907. Malheureusement, après une épouvantable baroquisation en 1960, il ne reste plus grand chose de Goll dans ce pauvre instrument.
L'orgue de Hundsbach est contemporain de celui de la chapelle de l'ancien collège de Sarnen (OW), reçu le 15/10/1891. Il est plus petit (II/P 15j), mais comporte quand même une Voix céleste, qui n'est donc pas un "jeu d'export". Il y a aussi les combinaisons fixes commandées au pied (à la française) et pas par boutons. L'instrument a malheureusement été altéré en 1941, mais, depuis, a de nouveau été confié à la maison Goll AG (relevage en 1992). [OrgelbauGollInventar] [PFOSL]
Les tuyaux de façade auraient été réquisitionnés par les autorités en 1917 : mais en 1986, l'inventaire technique rapporta que la façade est authentique. [IHOA] [ITOA]
Il y eut un relevage, en 1974, mené par Christian Guerrier. [ITOA]
Mais en 2005, l'orgue était en piteux état : la tuyauterie du grand-orgue (sauf la façade et le dessus du Principal 8') avait été déposée à la fin des années 90 pour de refaire les peintures de l'église. La tuyauterie a dans un premier temps été transférée au presbytère - où elle a souffert - puis transférée sur la tribune à côté de l'orgue. [SBraillon]
En 2006, la maison Goll de Lucerne revint relever son orgue. [SiteGoll] [FMoser]
Le buffet
Le magnifique buffet néo-roman est constitué de trois tourelles plates (la plus grande au centre), séparées par deux petites plate-faces. Ces petits plates faces constituent une des signatures visuelles des buffets Goll de l'époque. L'ornementation est constituée de motifs végétaux, faisant claires-voies et couronnements pour les tourelles.
C'est le "Prospekttyp 11" de Friedrich Goll, qui numérotait les dessins de ses buffets les plus réussis, afin de pourvoir les proposer aux nouveaux clients. Il y en a 22 en tout. Ce modèle a été réalisé pour la première fois à Root (Opus 52, 1886 ; la partie instrumentale a été remplacée, mais le buffet existe toujours). Puis vinrent Hilterfingen (Opus 79, 1889), Neuenkirch (Opus 87, 1890) et Hundsbach (Opus 96, 1891). Les orgues Goll d'Hilterfingen et de Neuenkirch n'existent plus. A chaque fois, il y a quelques spécificités : ce n'était en rien des buffets "de série". Ce qui était recherché, c'est une unité de style. Chaque buffet est unique. [OrgelbauGollLuzern4]
Le dessin a de nouveau été utilisé, après Hundsbach, à Herzogenbuchsee (Opus 118, 1894), Münsingen (Opus 123, 1894), Winikon (Opus 127, 1894), Vaulruz (Opus 152, 1896) et Vitznau (Opus 203, 1900). Les orgues d'Herzogenbuchsee, de Münsingen et de Vitznau n'existent plus, mais les deux instruments de Winikon et Vaulruz sont conservés. [OrgelbauGollLuzern4]
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Elle est très ouvragée. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux noirs à point central blanc, disposés en deux gradins de part et d'autre des claviers. Ils sont repérés par des porcelaines placées sur un grand chanfrein. Celles du grand-orgue sont blanches, celles du récit ont un fond rose.
Au-dessus de chaque porcelaine se trouve un petit tirant, lui aussi noir avec un point central blanc : ce n'est pas une combinaison libre, mais des annulateurs permettant de retirer et remettre facilement des jeux aux combinaisons fixes. Il y a le même système à Menziken (1890). La première "vraie" combinaison libre Goll fut installée en 1899 à la Hofkirche de Lucerne. [OrgelInternational]
Claviers blancs, joues moulurées noires. Plaque d'adresse métallique, en position centrale, au-dessus du second clavier.
Mécanique à équerres.
Sommiers à cônes. (Kegelladen.)
L'orgue suisse et l'orgue alsacien
Les influences (réciproques) entre la facture suisse et alsacienne ont été nombreuses. On peut même parler d'affinité particulière. Elles se rencontrent tout au long de l'histoire, avec deux périodes particulièrement fastes :
- Les Bergäntzel à la fin du 18ème et au début du 19ème, Joseph trouvant refuge en Suisse pour échapper aux persécutions de la Révolution. Il a probablement travaillé avec Carl Josef Maria Bossart. Si eux-mêmes n'ont finalement pas réalisé beaucoup d'instrument, leur influence sur la suite de l'histoire de l'orgue alsacien fut significative.
- Entre 1860 et les années 30, car la Suisse fut un lieu de formation déterminant pour Martin Rinckenbach, puis Georges et Curt Schwenkedel.
Une longue histoire d'échanges culturels
Mais l'histoire de cette affinité commence bien plus tôt :
- En 1495, c'est maître Clemens, de Bâle, qui mit en couleurs buffet de l'orgue de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg.
- Hans Tügi, de Bâle, construisit en 1513 un orgue à la collégiale St-Martin de Colmar
- Jörg Sager, aussi de Bâle, acheva en 1525 l'orgue de Kaysersberg.
- Thomas Schott, de Bremgarten, a réalisé en 1626 un orgue pour Rouffach. Quelques uns de ses tuyaux sont parvenus jusqu'à nous ; ce sont assuré^ment les plus anciens tuyaux d'orgue d'Alsace.
- Au 17ème siècle à Obernai, on note la présence d'au moins un positif et d'une régale (1632-1698). Le positif, propriété de la Confrérie de la Visitation, est allé à la Kapellkirche en 1682. Au tout début du 18ème (1708) il y avait encore 3 orgues à Obernai (donc a priori un grand, un positif et une régale), car un facteur itinérant suisse, du nom de Joseph Meyenberger, les répara tous les trois.
- Au 18ème, il y a bien sûr la construction d'un orgue Jean-André Silbermann à Arlesheim (1761). Mais le fait marquant est surtout l'installation en Alsace de facteurs nés en Suisse :
- Joseph Waltrin (1679-1747) est arrivé en Alsace en 1707 de Porrentruy, qu'il avait rejoint en 1700. Mais il avait appris le métier de son père à Mirecourt. Waltrin construisit d'ailleurs un orgue à Porrentruy.
- Originaire de Cerniévillers, Louis Dubois ne trouva pas seulement à St-Amarin un travail conséquent : il y rencontra aussi son épouse, Marie Anne Rudler.
- Jacque Besançon est né à Saint-Ursanne. Il appartient à l'école alsacienne de facture d'orgues classique, car il était dépositaire de la tradition laissée par Joseph Waltrin et son fils Jean-Baptiste, acquise après avoir travaillé avec Louis Dubois. Il y avait bien un style haut-rhinois de facture d'orgues, inspiré par l'orgue classique français, mais ouvert à de nombreuses influences, dont la Suisse, évidemment. Besançon a quitté la Suisse pour rejoindre Louis Dubois et Jean-Baptise Waltrin en 1750.
Saint-Ursanne
L'orgue que Besançon construisit pour sa ville natale, à la Collégiale de Saint-Ursanne en 1776 eut un impact considérable sur le reste de sa production. Relevé par Bertrand Cattiaux en 2004, cet orgue reste un des symboles les plus marquant de l'influence française en Suisse.
- Valentin Rinkenbach né en 1795, commença sa carrière en Suisse, et ses premiers travaux en Alsace remontent à 1828.
Les Franz
Les Franz (ou Frantz) ont œuvré dans le sud de l'Alsace et en Suisse. Cette famille de facteurs d'orgues était originaire d'Irtièmont (Liesberg). L'entreprise semble avoir été fondée par Joseph I (? - 24/07/1791 à Liesberg), celui qui fit affaire avec le couvent de Mariastein pour un instrument conséquent et plein de personnalité (on dit qu'il influença plus tard Valentin Rinkenbach). Jean I (29/08/1769 à Liesberg – 21/11/1830 à Wolschwiller) s'est installé à Wolschwiller peu après 1810 pour adresser le marché sundgauvien. Jean Antoine (Anton) (~1792 - 27/04/1850 à Sondersdorf), fut d'abord instituteur à Sondersdorf (à l'origine un prétexte pour tenir l'orgue), mais vint rejoindre l'atelier Franz en 1838, quand on s'aperçut - au bout de 10 ans - qu'avec un brevet "du 3ème degré" seulement, il n'avait pas la qualification pour être instituteur ! Il fit venir, et travailla essentiellement avec son frère Joseph II (~1788 - ?). Jean II (~1810 à Liesberg - ?), le fils de Jean I, s'installa plus tard à Cernay.
Les Franz et la définition d'un style de buffet sundgauvien
Mais c'est surtout sur les buffets que les Franz ont eu une influence remarquable. Ils ont contribué à définir un style sundgauvien. En témoignent les somptueux orgues Georges Schwenkedel de Bernwiller (1929), Bisel et Seppois-le-Bas (tous deux de 1930, et tous deux réalisés par la maison Rudmann et Guthmann), Durlinsdorf (1932, toujours par Rudmann et Guthmann). Ils sont tous inspirés par les buffets des Franz, avec leur large tourelle centrale flanquée de plates-faces cintrées, et les grands entablements des tourelles.
Le "style Franz" se retrouve aussi dans certains buffets néo-classiques de Joseph Rinckenbach, et ce fut sûrement une suite à la construction de l'orgue de Sondersdorf (1923). Celui de Lautenbach-Zell (qui a malheureusement perdu sa belle partie instrumentale post-romantique en 1983) est logé dans un buffet de 1929 clairement inspiré du style des Franz. Et le buffet actuel de l'orgue Rinckenbach de Wolschwiller (1930), réalisé par la maison Rudmann et Guthmann, comporte aussi des éléments remontant aux Franz ; les compléments en respectent le style. Celui d'Eglingen (1930) est l'œuvre de Joseph Driesbach, de Munster, mais est clairement apparenté aux autres évoqués ici.
Au 19ème siècle
- En 1811, c'est le facteur suisse Johannes I Franz (1769-1830) qui (re)construit l'orgue de Raedersdorf, sur la base du matériel ramené de Lucelle. L'orgue de Raedersdorf est le mieux conservé des orgues de Johannes Franz.
- En 1812, un des facteurs Franz de Liesberg installa à Hégenheim un orgue venant d'Ettigen (Bâle-Campagne). A peine 7 ans plus tard, cet orgue fut remplacé par un autre instrument suisse, cette fois acheté à Hirsingue, où il avait déjà été placé d'occasion en 1878 par Joseph Franz : il venait à l'origine de Mariastein, dont c'était l'orgue de chœur (9 jeux).
- En 1813, François Callinet alla construire un orgue à Porrentruy, St-Pierre. François Callinet faisait en quelque sorte de l'"apès-vente" pour Waltrin. L'orgue Waltrin de Porrentruy datait de 1704.
- A l'occasion de construction à Dornach d'un nouvel orgue par Georges et Nicolas Verschneider en 1861, l'orgue de Johann Jacob Brosi (1788) prit la route d'Erschwil (Soleure). Reconstruit en 2011 par la maison Metzler, cet instrument aujourd'hui fort bien mis en valeur : c'est un précieux témoin de la synthèse entre les styles d'orgues français (Thierry, Silbermann) et suisse.
- En 1864, lors de travaux à l'église de Friesen, c'est le facteur suisse Ursanne Lanoir (1808-1879), de Cornol, qui s'occupa de l'orgue. Lanoir, pratiquement autodidacte, apparemment seul facteur du Jura suisse à l'époque, a travaillé à Cornol, Péry, Courtelary, Porrentruy, Fahy, Damvant, Coeuve, Goumois, les Pommerats. Son orgue de Goumois a été préservé, mais c'est probablement le seul ; il est situé en France, bien que la commune soit à cheval entre la France et la Suisse.
- Trois ans après avoir construit leur orgue pour Courtavon, le 11/07/1868, les frères Wetzel proposèrent à peu près la même composition à Courgenay (Jura Suisse). C'est bien que les factures étaient "compatibles". Trois tourelles pour le grand buffet, trois tourelles pour le positif de dos, pédale à 18 notes avec Clairon... en 1868. Par rapport à Courtavon, outre le désespérant retour à un pédalier "pour instituteur" (18 notes), les seules différences étaient que la Flûte traverse était en 8' (et non 4') et que la Fugara était en 4' (et non en 8'). On ne sait pas exactement si cet orgue fut construit, mais, si c'est le cas, il n'en reste absolument rien, puisque l'on trouve là-bas un Ziegler (Uetikon am See) de 1966, néo-baroque jusqu'au bout de son Larigot.
- Josef Gunzinger, établi comme tuyautier à Ammerschwihr entre 1995 et 1907 (sûrement en reprenant l'activité que Martin Rinckenbach laissa en reprenant la maison de son oncle, et en collaboration avec lui) travailla chez Goll en 1871. [SiteGoll]
- En 1874, le facteur Ferdinand Haberthür (Breitenbach) procéda à une réparation à Bouxwiller (HR), mais aussi à Wolschwiller : c'était peut-être une tournée d'entretiens.
Martin Rinckenbach et les échanges d'apprentis
Martin Rinckenbach, assurément le plus grand facteur d'orgues alsacien, toutes époques confondues, a été formé (en partie) chez Friedrich Haas dans les années 1860. Avec Haas, Rinckenbach a participé à la construction du grand orgue de 70 jeux de la Hofkirche (parfois désignée par "Stiftskirche", soit collégiale) de Lucerne. L'amitié entre Friedrich Haas (1811-1886) et Aristide Cavaillé-Coll explique les "passerelles" permettant aux apprentis de bénéficier d'une expérience internationale.
Karl Goll et la Réforme alsacienne de l'orgue
De 1894 à 1911, la maison Goll fut très sensible à la fameuse Réforme alsacienne de l'orgue initiée par Albert Schweitzer et Emile Rupp. Cette influence se concrétisa d'abord par une évolution des anches. A Göschenen (1906), on trouve la Trompette (seul jeu d'anche de la composition) au récit ! Mais pour ne pas faire trop "activiste", cette Trompette peut être empruntée par le grand-orgue, pour refaire une configuration plus "germanique". Cette Trompette est bien en boîte expressive. A Saint-Martin (1907), la Trompette répond au grand-orgue, mais elle est aussi placée au récit, dans la boîte expressive. Plusieurs noms de jeux figurent en français, et il y a une Voix céleste 8', une Flûte octaviante 4'. [OrgelInternational] [OrgelbauGollInventar]
Après 1911, Karl et Paul Goll adoptèrent plusieurs caractéristiques du style symphonique français (dont les anches de récit), mais aussi ce "néo-classicisme" naissant. (Qui ne s'appelait pas comme ça, et n'a pas grand-chose à voir avec le style éponyme répandu après 1930. C'était plutôt l'adaptation de caractéristiques "anciennes", au moins telles qu'on les considérait à l'époque : par exemple des Cromornes au lieu de Clarinettes. L'influence est à la fois due à Schweitzer et à l'impact du "Paetorius Orgel". (Construit en 1921 par Oskar Walcker pour l'institut de musicologie de Fribourg comme "proof of concept", à l'instigation du musicologue Wilibald Gurlitt (1889-1963). Là, on est plutôt coté "Orgelbewegung".) A Sarnen, en 1911, voici 5 jeux "Silbermann" (Gemshorn 8', Principal 8', Bourdon 8', 2 Salicionaux). Les Silbermann n'ont jamais construit de Salicional : l'erreur vient de la composition du Palais des fêtes du Strasbourg : on avait pris des tailles de jeux remarquables et caractéristiques de Silbermann à St-Thomas... sauf que le Salicional était de Wetzel... [OrgelbauGollLuzern2]
Cette affinité est confirmée en 1920 par Emile Rupp (dont on connaît les positions très contrastées), qui déclara à propos de la maison Goll : "für den schweizerischen Orgelbau so bedeutungsvoll wie Walcker und Steinmeyer für Süddeutschland." ("aussi significative pour la facture d'orgue suisse que Walcker et Steinmeyer pour celle de l'Allemagne du sud.")
Jacob Zimmermann
A l'articulation du 19ème et du 20ème, il y eut plusieurs magnifiques instruments construits par Jacob Zimmermann, de Bâle, qui est avec Goll un des contributeurs les plus conséquents de l'orgue Suisse en Alsace :
- Jettingen en 1894,
- Michelbach-le-Haut vers 1898,
- les prieuré St-Bernard d'Ottmarsheim en 1901 (l'orgue est aujourd'hui à Dolleren où on lui supprima sa console pour placer un "orgue" électronique...)
- Franken en 1901
- Attenschwiller en 1903. Cet instrument fut malheureusement perdu entre 1972 et 1975, quand Christian Guerrier y construisit un néo-baroque en "récupérant" les tuyaux Zimmermann.
Le 20ème siècle, comme pour beaucoup de choses, amena à la fois le meilleur et le pire.
- Cela avait bien commencé, en 1902, par une acquisition remarquable : l'église Notre-Dame de Riedisheim (consacrée en 1902) reçut en cadeau un orgue construit par le facteur suisse Aloys Mooser, daté de 1829. Cet instrument, d'esthétique pré-romantique (II/P, 15j), a beaucoup voyagé : Aloys Mooser l'avait construit pour l'église Notre-Dame du quartier de la Neuveville à Fribourg (CH) où étaient installés les Rédemptoristes. A la fermeture du couvent de Fribourg (suite aux événements de 1847), l'instrument faillit être envoyé à Teterchen (57), selon le vœu du Supérieur Masson. Mais le transfert ne se fit pas, en raison de questions juridiques non résolues, et surtout de l'opposition de la presse de Fribourg et de la population locale, qui était très attachée à "son" orgue ! L'instrument, en partie démonté, resta en caisses, au début sous bonne garde. Ce n'est qu'en 1869, lorsqu'il fut clair que l'orgue était bien propriété des Rédemptoristes, qu'il fut placé non pas à Teterchen, mais dans leur couvent de Châteauroux (36). L'instrument y perdit malheureusement son buffet d'origine. En 1899, la maison Van Bever (Bruxelles - Amiens) fit des modifications (soufflerie, transmission et console). En 1903, lors de son installation en Alsace, l'instrument fut placé dans un buffet construit par la maison Klem, constitué de deux corps, afin de dégager une baie au fond de la tribune. A noter que ce nouveau buffet nécessita une façade spécifique (visiblement de Rinckenbach). Mais la Montre originale (en étain) de Mooser a été conservée, et se trouve simplement derrière la façade de 1903.
Jules Besserer
En 1905, un autre facteur alsacien (originaire d'Ammerschwihr) alla se former en Suisse et y ouvrit un atelier : c'est Jules Besserer. Formé chez Martin et Joseph Rinckenbach et Edmond-Alexandre Roethinger, il travailla chez Goll à Lucerne de 1906 à 1908. Il fonda son propre atelier à Mariastein (sûrement associé avec Félix Beiler, qu'il a connu chez Goll), puis s'installa à Flühe, Suisse, de 1910 à 1924. En 1924, il retourna en Alsace et s'établit Leymen.
- En 1907, l'église St-Fridolin de Mulhouse reçut un orgue de Friedrich Goll venant de l'ancien collège des Bénédictins de Delle (90). Il avait été construit en 1892, et avait 23 jeux sur deux claviers et pédale. Son buffet est conservé, mais la partie instrumentale a été outrageusement "baroco-parisianisée" en 1960 au cours des années noires de la facture d'orgue. Ce fut fait par Curt Schwenkedel, qui, décidément et malheureusement, avait décidé de renier ses origines pour plaire à la doxa alors toute puissante...
- En 1979 à Colmar, collégiale St-Martin, l'Orgelbau Felsberg, de Suisse, fut choisie, dit-on, en partie pour sa capacité à tenir les délais très courts qui étaient imposés.
Georges et Curt Schwenkedel
Mais l'épisode le plus représentatif de l'osmose entre l'orgue suisse est alsacien reste la maison créée par Georges Schwenkedel. Schwenkedel est né à Laichingen (D, entre Stuttgart et Ulm) en 1885. Il reçu sa formation initiale en Allemagne, chez Weigle, Klais (Bonn), Walcker (Ludwigsburg) et en Suisse, chez Goll de 1911 à 1921. Un article publié par "Caecilia" en 1923, présente Schwenkedel, ce nouvel acteur de l'orgue alsacien, comme "formé en Suisse française".
D'ailleurs Curt, le fils de Georges, est né à Lucerne en 1914. Il effectua tout naturellement sa formation initiale chez son père, puis alla se perfectionner chez Gonzalez (Châtillon) puis Metzler (Zurich).
En 1938, la maison Metzler posa son opus 101 à Lindau (entre Zurich et Winterthur). L'harmonisation a été effectuée par Joseph Rinckenbach et Curt Schwenkedel. On sait qu'à l'époque, Joseph Rinckenbach, dépossédé de son entreprise suite à ses faillites, cherchait désespérément du travail. Le voir harmoniser un orgue pour Metzler, en tandem avec le jeune Curt Schwenkedel, 24 ans, dont les relations ont sûrement fourni le contact et le contrat. Il aurait pu être son concurrent, mais lui a "tendu la perche". C'est à la fois évocateur et significatif.
Et les deux Wienerflöte !
Il y a trois Wienerflöte en Alsace : une à Strasbourg, St-Maurice, qui date de 1899. Les deux autres sont à Hundsbach (1891) sur l'orgue Goll, et à Kingersheim, sur l'orgue Martin Rinckenbach de 1891 aussi. Il y en avait une quatrième - sûrement la première d'Alsace par ordre chronologique, mais aujourd'hui disparue - à Wolschwiller : elle a probablement été posée en 1890 par Ferdinand Habertür, de Rorschach.
D'accord, Vienne n'est pas en Suisse, mais la Wienerflöte, vue d'Alsace, est clairement une influence d'outre-Lucelle... La maison mosellane Bartholomaei et Blési a placé une Wienerflöte à Brouviller (57) : et instrument a été livré un an après la mort de Jean Blési, mais on peut lui en attribuer la paternité : d'origine Suisse, Jean Blési avait été formé chez Friedrich Haas, comme Martin Rinckenbach. Il y en a aussi une à Réding (57), toujours dans un orgue Bartholomaei et Blési (1898) : l'époque néo-baroque (1988) l'avait supprimée, mais les tuyaux ont été conservés, et elle a retrouvé l'instrument lors de son remarquable sauvetage (1998). Elle est maintenant en 4', mais c'était bien un 8' à l'origine.
Les deux Wienerflöte de Hundsbach et de Kingersheim sont contemporaines (1891), et on peut se demander si c'est un hasard. Il y a 40km entre les deux localités. Martin Rinckenbach a sûrement entendu parler de l'orgue Goll, et peut-être que des souvenirs de sa formation en Suisse l'ont poussé à réaliser une Wienerflöte (la seule dans toute son œuvre) à Kingersheim ? Si c'est le cas, on ne pourrait trouver plus beau symbole de la synergie entre l'orgue suisse et l'orgue alsacien !
Webographie :
Sources et bibliographie :
"Friedrich, Karl und Paul Goll - eine Schweitzer Orgelbaudynastie 1868-1928", Orgel International 2002/4
HUNDSBACH, Kt. Altkirch. - 1840, Liste, mit O. - Neue O. 1891, von Goll, in Luzern, aufgestellt, fast die hundertste O. und f. d. Elsass die erste. Weihe 4. XI. 1891. O. mit 22 Reg., Gebläse mit Rad getrieben. Experte: Strassb. Münsterorganist Schwey. Vfr. 1891, 350 u. 374. - Vgl. auch Visit.- Bericht 1892, u. MATHIAS 57.
15. Hundsbach Goll, Lucerne, 1891, 22 Jeux, 2 Clav., sommier méc., traction méc., soufflerie méc.
im68008934 ; le dossier comporte des photos du buffet et de la console.
Localisation :